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bien comprise. On ne peut reprocher à des peintres de prendre leurs motifs où ils veulent, d’exprimer plutôt des émotions religieuses que tout autre genre d’émotions. Et telle n’a jamais été, croyons-nous, la pensée de M. G. Lecomte. Mais on peut toujours déplorer les fautes contre l’esthétique, ou le bon goût. On peut regretter que des naturalistes de la veille, entraînés par une mode incontestable, se croient obligés de donner à leurs récentes études d’après nature un prétexte mystique. On peut trouver ridicule cet engoûment pour le sujet religieux après l’engoûment pour le sujet patriotique. Au fond, ceci est le précieux symptôme d’une réaction d’ordre moral que nous n’avons pas à définir ici. Mais il n’y faut pas voir la marque d’une évolution artistique.

Parce que M. Aman Jean se plaît aux sinuosités des banderoles ; parce que M. Burne Jones dessine des regards irréels ; que M. Ary Renan évoque les promeneuses de son éÎme sur des grèves de désolation ; et que M. Puvis de Chavannes prête aux moindres attitudes une noblesse religieuse, — et nous nous abstenons de citer ces autres idéistes qui exposaient aux Rose-Croix, aux Indépendants, aux Peintres graveurs, ou chez Le Barc de Boutteville, — faut-il les qualifier de sectaires rétrogrades, et dire qu’ils se désintéressent de l’excellence des réalisations plastiques ? Nul n’a compris mieux que ceux-là, la beauté d’une ligne ou d’une coloration. Et nous ne voyons pas qu’ils seraient en aucun sens plus peintres, s’ils empruntaient leurs motifs aux assemblées de village, aux boulevards, aux faubourgs. Ou bien, c’est leur art de simplification, le hiératisme de leurs synthèses, qui est si neuf pourtant et si personnel, si intellectuel et ornemental, c’est leur art que l’on critique. Mais alors il faudrait logiquement préférer à Whistler, les portraits de Carolus Duran, ou quelque étude puérilement systématique de la décomposition de la lumière.

Nous avons écrit, naguère, que la peinture de M. Raffaëlli était un peu bien littéraire ; ce qui voulait dire qu’elle emprunte au sujet beaucoup de son expression. M. Raffaëlli est, en effet, un précieux chroniqueur ; mais c’est aussi un artiste délicat. Trouvez un détail qui soit déplaisant ou inu-