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DÉFINITION DU NÉO-TRADITIONNISME

Qu’est-ce qui distingue entre eux les peintres modernes ? C’est souvent la vision (comme je l’ai expliqué plus haut) : plus souvent le procédé, le sujet plus souvent encore.

Quelles imaginations identiques ! Ils suivent tous la même mode. Et si l’un s’avise de révéler une fantaisie nouvelle, — au lieu de modifier, oh ! très peu, comme il convient, l’éclairage ou le modelé de l’autre, — le beau scandale ! Rappelez-vous seulement la Femme Jaune de Besnard.

XXIV

L’Art est la sanctification de la nature, de cette nature de tout le monde, qui se contente de vivre ! Le grand art, qu’on appelle décoratif, des Indous, des Assyriens, des Égyptiens, des Grecs, l’art du Moyen-Age et de la Renaissance, et les œuvres décidément supérieures de l’Art moderne, qu’est-ce ? sinon le travestissement des sensations vulgaires — des objets naturels, — en icônes sacrées, hermétiques, imposantes.

La simplicité hiératique des Bouddhas ? des moines transformés par le sens esthétique d’une race religieuse. Comparez encore le lion dans la nature, aux lions de Khorsabad ; lequel exige la génuflexion ? Le Doryphore, le Diadumène, l’Achille, la Vénus de Milo, la Samothrace, c’est en vérité la rédemption de la forme humaine. Faut-il parler des Saints et Saintes du Moyen-Age ? Faut-il citer les Prophètes de Michel-Ange, et les Femmes de Vinci ?

J’ai vu l’italien Pignatelli dont Rodin a tiré Jean-Baptiste ; et c’est, au lieu du modèle banal, l’apparition de la Voix qui marche, le bronze vénérable. Et l’homme que Puvis érigea en Pauvre pécheur, éternellement triste, qu’était-ce ?

Triomphe universel de l’imagination des esthètes sur les efforts de bête imitation, triomphe de l’émotion du Beau sur le mensonge naturaliste.

XXV

Avez-vous remarqué ce que gagne le portrait à cette recher-