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VIII
marie-charles dulac
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M. Lanoë, auteur d’une Histoire du Paysage français soutient cette thèse originale que les paysagistes sont les peintres de sainteté de notre temps. Ce sont eux, prétend-il, qui savent le mieux dégager le divin des choses, et en l’absence de Maîtres inspirés par le Dogme chrétien, comme Fra Angelico ou Rembrandt, ce sont eux qui perpétuent dans l’Art le sens religieux. Il tire cette conclusion, non seulement de l’examen des œuvres, mais aussi de la vie intime des peintres : Millet et Corot, par exemple, illustrent cette théorie d’exemples impressionnants.

Il y a, d’autre part, des peintres d’histoire comme M. Degas pour qui l’appellation de paysagiste est péjorative, s’appliquant à la vérité le plus souvent à des artistes de peu d’idéal, incapables de traduire l’expression de la figure humaine, et qui se contentent de reproduire littéralement, en fumant des pipes et le dos au soleil, des effets quelconques, sans poésie et même médiocrement pittoresques.

J’indique ces deux points de vue à propos d’un peintre de paysage, œil fin et âme délicate, Marie Charles Dulac, mort il y a quelques années, dont les lettres viennent d’être éditées par les soins pieux de deux de ses amis, le R. P. Louis et M. Henry Cochin[2]. M. Lanoë, trouverait à les lire, un nouvel argument en faveur de sa thèse. Ce sont les lettres d’un Saint, et la préface biographique du P. Louis est à proprement parler une hagiographie. Pour le paysagiste Dulac, la nature est le livre qui contient la parole de Dieu. En peignant, son but est de servir, louer Dieu, chercher à le faire aimer davantage. Je suis, disait-il encore, un intermédiaire bienheureux.

Les résultats de ces mystiques tendances, nous les avons vus autrefois dans des expositions de jeunes, chez le Barc de Boutteville, ou plus récemment, en 1899, chez Vollard,

  1. L’Occident, décembre 1905.
  2. Lettres de Marie-Charles Dulac (Bioud et Cie, Paris).