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les élèves d’ingres

d’une gravité admirables. Il y a des qualités de premier ordre dans des tableaux comme le Melitus de Lille, le Zeuxis de Chantilly. Mais c’est surtout le décorateur, le fresquiste qu’il convient de connaître et d’apprécier. Son long séjour en Italie (1835-1842), il l’avait mis à profit pour étudier les peintures de Pompéi (il en a fait de remarquables copies, elles sont à l’École des Beaux-Arts), et pour s’assimiler les procédés des fresquistes du Moyen-Age. Nul n’a mieux que lui pénétré les secrets de ce beau métier, nul n’en a comme lui possédé la pratique. C’est à lui qu’avaient recours pour la technique de leurs décorations les autres élèves d’Ingres. On lira avec fruit son excellente traduction du Libro del Arte de Cennino Cennini, et l’appendice qu’il y a ajouté à l’usage des praticiens modernes[1].

La chapelle de Saint-Martin à Saint-Sulpice est la seule qui soutienne l’examen après qu’on a vu la chapelle des Saints-Anges de Delacroix. L’ampleur, la santé de la forme y font aisément oublier l’aigreur de certains bleus. Les modelés ne servent ici qu’à souligner, qu’à affirmer la volonté des silhouettes : celles des moines sont inoubliables. Toute la scène du Miracle est d’une parfaite beauté. La gamme en est très colorée : anges roses, colonne rouge brique, et les tons bruns des bures ; elle accentue à souhait l’expression du sujet.

Un autre Saint-Martin à Saint-Germain l’Auxerrois, avec son cheval gris, si curieusement dessiné, et l’anatomie délabrée du mendiant est une de ces œuvres qui ont dû agir sur la formation de Puvis de Chavannes. Il ne reste rien au porche de la même église, que quelques belles masses attestant le solide établissement de la composition : on sait quel en était le parti pris gothique, le fond d’or, les auréoles en relief : on sait aussi que des fissures de la voûte, des poussières de matériaux emmagasinés là, et enfin un fâcheux nettoyage ont irrémédiablement perdu cette fresque. Il ne reste rien non plus de la fresque de la chapelle Saint-François de Sales à Saint-Séverin, où se voit seulement encore la chapelle Sainte-Anne, bien conservée.

  1. Bibliothèque de l’Occident, 1911.