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les élèves d’ingres

eussent été les parties d’un ensemble qu’il aurait dirigé. Admirable utopie dont je voudrais que les jeunes gens fissent leur profit ; je les renvoie à ce propos à André Gide qui eut le courage et la lucidité de professer récemment, dans un milieu individualiste[1], une théorie de l’influence !

Dans le domaine restreint de l’art ornemental, l’école d’Ingres aura marqué les débuts d’une véritable renaissance. Les éléments de cette transformation sont disparates. Il est inouï qu’un critique professionnel ne l’ait pas encore éclairci. Il y a le parti architectural des Italiens qui consiste à créer de faux trompe-l’œil, à imiter en camaïeu, en grisaille, les moulures, les marbres, les ornements sculptés (voir Giotto ou Michel-Ange). Quoique épris des formules italiennes, les élèves d’Ingres ont préféré le parti byzantin, ou romano-gothique, suivant quoi un motif se répète, géométrique ou floral, sur un fond uni. Un peu de fantaisie pompéienne s’y est mélangé, dans des proportions charmantes, à la rigidité héraldique.

Certaines bordures de Mottez dans ses fresques de Lille, les ornements inventés par Amaury-Duval, par exemple la branche d’églantine de la chapelle de la Sainte Vierge, à Saint-Germain, les charmants encadrements qu’il imagina pour le château de Linières, — ce sont autant d’éléments d’un art, sans doute contestable, mais souvent exquis, et qui comporte le même genre d’agrément, qui relève du même goût sobre que les inventions d’un William Morris ou d’un Grasset ; notre art décoratif actuel, l’art nouveau a ses origines.

Faut-il maintenant insister sur le caractère, profondément idéaliste, de cette grande poussée d’art monumental ? La symétrie rythmique de l’Apothéose d’Homère, la piété des Processions d’Hippolyte Flandrin, la noblesse des figures de

  1. À la Libre Esthétique, à Bruxelles, en 1901.