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dre, elle la prit dans ses bras pour mêler leurs pleurs et leur joie.

Les grandes ondes sonores roulèrent encore autour d’elles et puis se ralentirent. Ici et là, on entendait un frappement de bourdon, une mesure cristalline ; les longues écharpes amincies de son flottèrent une dernière fois, et une minute vint qui termina par un silence auguste le concert des cloches.

Maintenant, le vallon doré, tout enroulé dans la brume bleue et transparente de novembre, retrouvait, livré à lui-même, cette douceur sereine qui n’est que d’automne. Les dames Almin de la Mazure, encore embrassées, se séparèrent et firent quelques pas sans paroles, comme lorsque le cœur est trop plein.

Elles marchaient l’une à côté de l’autre, si visiblement unies et aimantes, si dissemblables et presque disproportionnées. La vieille Mme Almin, menue et amenuisée jusqu’à la transparence, petits pas et petits gestes, Reine, grande et belle de taille et de formes, avec sa haute allure de femme née pour le plein air, pour décider et pour commander.

Au bout de la terrasse, elles revinrent vers le château qui alignait ses vingt fenêtres vers le soleil proche de midi.

— Enfin, on va pouvoir songer à autre chose qu’à la guerre ! dit doucement la vieille dame.

— Enfin, on ne va plus se tuer ! dit ardemment sa fille.

Elles se regardèrent et sourirent, et puis Reine amena sa mère jusqu’au banc qui, en bas du perron, permettait d’embrasser le paysage.

Toutes les deux, là, devant le joli château