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à travers les broussailles et d’épouvantables rochers. Il ne mangeait presque pas dans ces durs travaux, et le soir il se trouvait plus frais, plus gai et plus content que nous. Ce n’est pas un homme, c’est un Esprit, et moi, je suis un chien de l’avoir tant maltraité. Quand je criais contre lui ou le menaçais, l’accusant d’être la cause de notre malheur, il gardait le silence, ou, s’il parlait, l’on eut cru qu’il était coupable et que j’avais raison de le disputer, tant ses reparties étaient douces et pleines de bonté. Oui, il est vrai, je n’ai pas d’esprit, mais je veux désormais en avoir. Je veux aimer la prière, et me faire instruire par le Père[1].

Lorsque l’Etchemin eût fini sa harangue, on n’entendit que réjouissances dans tous les wiguams. Tous les sauvages, hommes, femmes et enfants, s’empressaient de venir témoigner au missionnaire la joie que leur causait son retour. « Enfin, te voilà, » lui disaient-ils ; « nous te voyons enfin. Tu es notre Père et notre compatriote, car vivant comme nous et demeurant avec nous, tu es Abénakis comme nous. Tu ramènes avec toi la joie dans tout le pays. Nous étions dans la pensée de quitter notre patrie pour aller te chercher. Voyant que plusieurs mouraient en ton absence, nous perdions l’espoir d’aller au ciel. Ceux que tu as instruits faisaient tout ce qu’ils ont appris de toi, mais lorsqu’ils étaient malades, leurs cœurs te cherchaient et ne pouvaient

  1. Relation des Jésuites. 1652. 24.