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les empêcher de croître. Mais il y a grande apparence que les Chinoises naissent avec des pieds plus petits que les femmes des autres nations. C’est une remarque curieuse à faire, et qui mérite l’attention des voyageurs.

Beauté fatale, desir de plaire, quels désordres ne causez-vous pas dans le Monde ! Vous ne vous bornez pas à tourmenter nos cœurs ; vous changez l’ordre de toute la Nature. La jeune Françoise, qui se moque de la Chinoise, ne la blâme que de croire qu’elle en sera plus belle en sacrifiant la grâce de la démarche à la petitesse du pied ; car au fond elle ne trouve pas que ce soit payer trop cher quelque charme, que de l’acquérir par la torture et la douleur. Elle-même dès son enfance a le corps renfermé dans une boîte de baleine, ou forcé par une croix de fer, qui la gêne plus que toutes les bandelettes qui serrent le pied de la Chinoise. Sa tête hérissée de papillotes pendant la nuit, au lieu de la mollesse de ses cheveux, ne trouve pour s’appuyer que les pointes d’un papier dur : elle y dort tranquillement, elle se repose sur ses charmes.


CHAPITRE IV

Des Negres-blancs.


J’oublierois volontiers ici le phénomene que j’ai entrepris d’expliquer : j’aimerois bien mieux m’occuper du réveil d’Iris, que de parler du petit monstre dont il faut que je vous fasse l’histoire.

C’est un enfant de quatre ou cinq ans qui a tous les traits des Negres, et dont une peau très-blanche et blafarde ne fait qu’augmenter la laideur.[1] Sa tête est couverte d’une laine blanche tirant sur le roux : ses yeux d’un bleu clair paroissent blessés de l’éclat du jour : ses mains grosses et mal faites ressemblent plutôt aux pattes d’un animal qu’aux mains d’un homme. Il est né, à ce qu’on assure, de pere et mere afriquains, et très-noirs.

  1. Il fut apporte à Paris en 1744.