Page:Maupertuis - Œuvres, Dresde, 1752.djvu/281

Cette page n’a pas encore été corrigée

que les parties semblables de celui qui n’a souffert aucune destruction ? J’ai vu une merveille plus décisive encore sur cette matiere : c’est le squelette d’une espece de géant, qui n’a d’autre difformité qu’une vertebre de trop, placée dans la suite des autres vertebres, et formant avec elles une même épine.[1] Croira-t-on, pourra-t-on penser que cette vertebre soit le reste d’un fœtus ?

Si l’on veut que les monstres naissent de germes originairement monstrueux, la difficulté sera-t-elle moindre ? Pourquoi les germes monstrueux observeront-ils cet ordre dans la situation de leurs parties ? pourquoi des oreilles ne se trouveront-elles jamais aux pieds, ni des doigts à la tête ?

Quant aux monstres humains à tête de chat, de chien, de cheval, etc. j’attendrai à en avoir vu pour expliquer comment ils peuvent être produits. J’en ai examiné plusieurs qu’on disoit tels ; mais tout se réduisoit à quelques traits difformes : je n’ai jamais trouvé dans aucun individu, de partie qui appartînt incontestablement à une autre espece qu’à la sienne : et si l’on me faisoit voir quelque minotaure, ou quelque centaure, je croirois plutôt des alliances odieuses que des prodiges.

Il semble que l’idée que nous proposons sur la formation du fœtus satisferoit mieux qu’aucune autre aux phénomenes de la génération ; à la ressemblance de l’enfant, tant au pere qu’à la mere ; aux animaux mixtes qui naissent des deux especes différentes ; aux monstres, tant par excès que par défaut : enfin cette idée paroît la seule qui puisse subsister avec les observations de Harvey.

  1. Ce squelette singulier est à Berlin dans la salle anatomique de l’Académie Royale des Sciences et Belles-Lettres. En voici la description que M. Buddæus Professeur d’Anatomie m’a envoyée.
          En conformité de vos ordres, que j’ai reçus hier, j’ai l’honneur de vous mander très-humblement qu’il y a effectivement dans notre amphithéâtre un squelette qui a une vertebre de trop. Il est d’une grandeur de sept pieds, et S. M. le feu Roi l’a envoyé ici pour le garder à cause de sa rareté. Je l’ai examiné avec soin, et il se trouve que la vertebre surnuméraire doit être rangée à celles des lombes. Les vertebres du cou ont leurs marques particulieres, dont on les connoît tres-aisément : ainsi elle n’appartient fixement pas à elles ; moins encore à celles du dos, puisque les côtes les caractérisent. La premiere vertebre des lombes a sa conformité naturelle, par rapport à son union avec la douzieme du dos ; et la derniere des lombes a sa figure ordinaire pour s’appliquer a l’os sacrum. Ainsi il faut chercher la surnuméraire entre le reste des vertebres des lombes, c’est-à-dire, entre la premiere et la derniere lombaire.