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dont nous rationnons. Celui qui veut connoître un objet trop éloigné, et qui ne le découvre que confusément, réussit mieux que celui qui voit plus distinctement des objets qui ne sont pas celui-là.

Quoique je respecte infiniment Descartes, et que je croie, comme lui, que le fœtus est formé du mélange des deux semences, je ne puis croire que personne soit satisfait de l’explication qu’il en donne, ni qu’on puisse expliquer par une méchanique intelligible comment un animal est formé du mélange de deux liqueurs. Mais quoique la maniere dont ce prodige se fait demeure cachée pour nous, je ne l’en crois pas moins certain.


CHAPITRE XVII

Conjectures sur la formation du fœtus.


Dans cette obscurité sur la maniere dont le fœtus est formé du mélange des deux liqueurs, nous trouvons des faits qui sont peut-être plus comparables à celui-là que ce qui se passe dans le cerveau. Lorsque l’on mêle de l’argent et de l’esprit de nitre avec du mercure et de l’eau, les parties de ces matieres viennent d’elles-mêmes s’arranger pour former une végétation si semblable à un arbre, qu’on n’a pu lui en refuser le nom.[1]

Depuis la découverte de cette admirable végétation, l’on en a trouvé plusieurs autres : l’une, dont le fer est la base, imite si bien un arbre, qu’on y voit non seulement un tronc, des branches et des racines, mais jusqu’à des feuilles et des fruits.[2] Quel miracle, si une telle végétation se formoit hors de la portée de notre vue ! La seule habitude diminue le merveilleux de la plupart des phénomenes de la Nature[3] : on croit que l’esprit les comprend, lorsque les yeux y sont accoutumés. Mais pour le Philosophe, la difficulté reste : et tout ce qu’il doit conclure, c’est qu’il y a des faits cer-

  1. Arbre de Diane.
  2. Voyez Mém. de l’Acad. Royale des Sciences de Paris, ann. 1706.
  3. Quid non in miraculo est, cùm primùm in notitiam venit ?C. Plin. Nat. Hist. lib. VII. cap. i.