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ces si éloignées, que cette analogie, qui d’une espece à l’autre ne change que par des nuances insensibles, se perd, ou du moins est méconnoissable dans les especes que nous voulons comparer.

En effet, quelles variétés n’observe-t-on pas dans la maniere dont différentes especes d’animaux se perpétuent !

L’impétueux taureau, fier de sa force, ne s’amuse point aux caresses : il s’élance à l’instant sur la genisse, il pénetre profondément dans ses entrailles, et y verse à grands flots la liqueur qui doit la rendre féconde.

La tourterelle, par de tendres gémissemens, annonce son amour : mille baisers, mille plaisirs précedent le dernier plaisir.

Un insecte à longues ailes[1] poursuit sa femelle dans les airs : il l’attrape ; ils s’embrassent, ils s’attachent l’un à l’autre ; et peu embarrassés alors de ce qu’ils deviennent, les deux amans volent ensemble, et se laissent emporter aux vents.

Des animaux[2] qu’on a long-temps méconnus, qu’on a pris pour des galles, sont bien éloignés de promener ainsi leurs amours. La femelle, sous cette forme si peu ressemblante à celle d’un animal, passe la plus grande partie de sa vie immobile et fixée contre l’écorce d’un arbre : elle est couverte d’une espece d’écaillé qui cache son corps de tous côtés ; une fente presqu’imperceptible est pour cet animal la seule porte ouverte à la vie. Le mâle de cette étrange créature ne lui ressemble en rien : c’est un moucheron, dont elle ne sauroit voir les infidélités, et dont elle attend patiemment les caresses. Après que l’insecte ailé a introduit son aiguillon dans la fente, la femelle devient d’une telle fécondité, qu’il semble que son écaille et sa peau ne soient plus qu’un sac rempli d’une multitude innombrable de petits.

La galle-insecte n’est pas la seule espece d’animaux dont le mâle vole dans les airs, pendant que la femelle sans ailes, et de figure toute différente, rampe sur la terre. Ces diamans dont brillent les buissons pendant les nuits d’automne, les vers luisans, sont les femelles d’insectes ailés, qui les perdraient vraisemblablement

  1. La demoiselle, perla en latin.
  2. Hist. des insectes de M. de Reaumur, tome IV.