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croscope ; toujours des mers désertes, dans lesquelles on n’appercevoit pas le moindre signe de vie.


CHAPITRE IV (suite).


On ne put guere s’empêcher de penser que ces animaux découverts dans la liqueur séminale du mâle étoient ceux qui dévoient un jour le reproduire : car malgré leur petitesse infinie,et leur forme de poissons, le changement de grandeur et de figure coûte peu à concevoir au Physicien, et ne coûte pas plus à exécuter à la Nature. Mille exemples de l’un et de l’autre sont sous nos yeux, d’animaux dont le dernier accroissement ne semble avoir aucune proportion avec leur état au temps de leur naissance, et dont les figures se perdent totalement dans des figures nouvelles. Qui pourroit reconnoître le même animal, si l’on n’avoit suivi bien attentivement le petit ver, et le hanneton, sous la forme duquel il paroît ensuite ? Et qui croiroit que la plupart de ces mouches parées des plus superbes couleurs eussent été auparavant de petits insectes rampans dans la boue, ou nageans dans les eaux ?

Voilà donc toute la fécondité qui avoit été attribuée aux femelles rendue aux mâles. Ce petit ver qui nage dans la liqueur séminale contient une infinité de générations de pere en pere ; il a sa liqueur séminale, dans laquelle nagent des animaux d’autant plus petits que lui, qu’il est plus petit que le pere dont il est sorti : et il en est ainsi de chacun de ceux-là à l’infini. Mais quel prodige, si l’on considere le nombre et la petitesse de ces animaux ! Un homme qui a ébauché sur cela un calcul, trouve dans la liqueur séminale d’un brochet, dès la premiere génération, plus de brochets qu’il n’y auroit d’hommes sur la Terre, quand elle seroit par-tout aussi habitée que la Hollande.[1]

Mais si l’on considere les générations suivantes, quel abyme de nombre et de petitesse ! D’une génération à l’autre les corps de ces animaux diminuent dans la proportion de la grandeur d’un homme à celle de cet atôme qu’on ne découvre qu’au meilleur microscope ; leur nombre augmente dans la proportion de l’unité au nombre prodigieux d’animaux répandus dans cette liqueur.

Richesse immense, fécondité sans bornes de la Nature, n’êtes-vous pas ici une prodigalité ? et ne peut-on pas vous reprocher trop

  1. Lewenhoek.