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coloriés avec une souplesse, une adresse et une grâce de joueur exercé. Norbert de Varenne écrivait un article, assis dans le fauteuil directorial, et Jacques Rival, étendu tout au long sur un divan, fumait un cigare, les yeux fermés.

On sentait là-dedans le renfermé, le cuir des meubles, le vieux tabac et l’imprimerie ; on sentait cette odeur particulière des salles de rédaction que connaissent tous les journalistes.

Sur la table en bois noir aux incrustations de cuivre, un incroyable amas de papier gisait : lettres, cartes, journaux, revues, notes de fournisseurs, imprimés de toute espèce.

Forestier serra les mains des parieurs debout derrière les joueurs, et sans dire un mot regarda la partie ; puis, dès que le père Walter eut gagné, il présenta :

— Voici mon ami Duroy.

Le directeur considéra brusquement le jeune homme de son coup d’oeil glissé par-dessus le verre des lunettes, puis il demanda :

— M’apportez-vous mon article ? Ça irait très bien aujourd’hui, en même temps que la discussion Morel.

Duroy tira de sa poche les feuilles de papier pliées en quatre : — Voici, monsieur.

Le patron parut ravi, et, souriant : — Très bien, très bien. Vous êtes de parole. Il faudra me revoir ça, Forestier ?

Mais Forestier s’empressa de répondre :

— Ce n’est pas la peine, monsieur Walter : j’ai fait la chronique avec lui pour lui apprendre le métier. Elle est très bonne.

Et le directeur, qui recevait à présent les cartes données par un grand monsieur maigre, un député du centre