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Roche-Guyon. C’est un joli village, au bord de la Seine, entre Mantes et Bonnières.

Elle murmura : — C’est que je n’ai pas d’effets. Je n’ai rien.

Il sourit, avec insouciance : — Bah ! nous nous arrangerons là-bas.

Le fiacre roulait le long des rues. Georges prit une main de la jeune fille et se mit à la baiser, lentement, avec respect. Il ne savait que lui raconter, n’étant guère accoutumé aux tendresses platoniques. Mais soudain il crut s’apercevoir qu’elle pleurait.

Il demanda, avec terreur : — Qu’est-ce que vous avez ? ma chère petite.

Elle répondit, d’une voix toute mouillée : — C’est ma pauvre maman qui ne doit pas dormir à cette heure, si elle s’est aperçue de mon départ.

Sa mère, en effet, ne dormait pas.

Aussitôt Suzanne sortie de sa chambre, Mme Walter était restée en face de son mari.

Elle demanda, éperdue, atterrée :

— Mon Dieu ! Qu’est-ce que cela veut dire ?

Walter cria, furieux : — Ça veut dire que cet intrigant l’a enjôlée. C’est lui qui a fait refuser Cazolles. Il trouve la dot bonne, parbleu !

Il se mit à marcher avec rage à travers l’appartement et reprit : — Tu l’attirais sans cesse, aussi, toi, tu le flattais, tu le cajolais, tu n’avais pas assez de chatteries pour lui. C’était Bel-Ami par-ci, Bel-Ami par-là, du matin au soir. Te voilà payée.

Elle murmura, livide : — Moi ?… je l’attirais !

Il lui vociféra dans le nez : — Oui, toi ! Vous êtes toutes folles de lui, la Marelle, Suzanne et les autres. Crois-tu que je ne voyais pas que tu ne pouvais point rester deux jours sans le faire venir ici ?