Page:Maupassant Bel-ami.djvu/416

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Walter, interdit, releva tout à fait ses lunettes sur son front et demanda : — Vous ne vous moquez pas de moi ?

— Pas du tout. Je vais même faire un écho là-dessus.

— Mais alors que voulez-vous ?

— Jeter bas ce fripon, ce misérable, ce malfaiteur public !

Georges posa son chapeau sur un fauteuil, puis ajouta : — Gare à ceux que je trouve sur mon chemin. Je ne pardonne jamais.

Le directeur hésitait encore à comprendre. Il murmura : — Mais… votre femme ?

— Ma demande en divorce sera faite dès demain matin. Je la renvoie à feu Forestier.

— Vous voulez divorcer ?

— Parbleu. J’étais ridicule. Mais il me fallait faire la bête pour les surprendre. Ça y est. Je suis maître de la situation.

M. Walter n’en revenait pas ; et il regardait Du Roy avec des yeux effarés, pensant : — Bigre. C’est un gaillard bon à ménager.

Georges reprit : — Me voici libre… J’ai une certaine fortune. Je me présenterai aux élections au renouvellement d’Octobre, dans mon pays où je suis fort connu. Je ne pouvais pas me poser ni me faire respecter avec cette femme qui était suspecte à tout le monde. Elle m’avait pris comme un niais, elle m’avait enjôlé et capturé. Mais depuis que je savais son jeu, je la surveillais, la gredine.

Il se mit à rire et ajouta : — C’est ce pauvre Forestier qui était cocu… cocu sans s’en douter, confiant et tranquille. Me voici débarrassé de la teigne qu’il m’avait laissée. J’ai les mains déliées. Maintenant j’irai loin.

Il s’était mis à califourchon sur une chaise. Il répéta, comme s’il eût songé : — J’irai loin.

Et le père Walter le regardait toujours de ses yeux