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tait un tas de choses avec l’air très exalté. Il venait sans doute du buffet. Enfin Du Roy le laissa aux mains de M. de Marelle retrouvé entre deux portes, et il s’enfuit. Il lui fallut encore prendre garde de n’être pas vu par sa femme et par Laroche. Il y parvint, car ils semblaient fort animés, et il se trouva dans le jardin.

L’air froid le saisit comme un bain de glace. Il pensa : « Cristi, je vais attraper un rhume », et il mit son mouchoir à son cou en manière de cravate. Puis il suivit à pas lents l’allée, y voyant mal au sortir de la grande lumière des salons.

Il distinguait à sa droite et à sa gauche des arbustes sans feuilles dont les branches menues frémissaient. Des lueurs grises passaient dans ces ramures, des lueurs venues des fenêtres de l’hôtel. Il aperçut quelque chose de blanc, au milieu du chemin, devant lui, et Mme  Walter, les bras nus, la gorge nue, balbutia d’une voix frémissante :

— Ah ! te voilà ? tu veux donc me tuer ?

Il répondit tranquillement :

— Je t’en prie, pas de drame, n’est-ce pas, ou je fiche le camp tout de suite.

Elle l’avait saisi par le cou, et, les lèvres tout près des lèvres, elle disait :

— Mais qu’est-ce que je t’ai fait ? Tu te conduis avec moi comme un misérable ! Qu’est-ce que je t’ai fait ?

Il essayait de la repousser :

— Tu as entortillé tes cheveux à tous mes boutons la dernière fois que je t’ai vue, et ça a failli amener une rupture entre ma femme et moi.

Elle demeura surprise, puis, faisant « non » de la tête :

— Oh ! ta femme s’en moque bien. C’est quelqu’une de tes maîtresses qui t’aura fait une scène.

— Je n’ai pas de maîtresses.