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tremblement nerveux, puis elle se mit à pleurer affreusement, en cachant sa figure dans ses mains. Elle demeurait debout, secouée par des sanglots, déchirée par le chagrin.

Mais soudain elle dompta sa douleur, et, s’essuyant les yeux : — J’y… j’y vais… ne t’occupe pas de moi… je ne sais pas à quelle heure je reviendrai… ne m’attends point…

Il répondit : — Très bien. Va.

Ils se serrèrent la main, et elle partit si vite qu’elle oublia de prendre ses gants.

Georges, ayant dîné seul, se mit à écrire son article. Il le fit exactement selon les intentions du ministre, laissant entendre aux lecteurs que l’expédition du Maroc n’aurait pas lieu. Puis il le porta au journal, causa quelques instants avec le Patron et repartit en fumant, le cœur léger sans qu’il comprît pourquoi.

Sa femme n’était pas rentrée. Il se coucha et s’endormit.

Madeleine revint vers minuit. Georges, réveillé brusquement, s’était assis dans son lit.

Il demanda : — Eh bien ?

Il ne l’avait jamais vue si pâle et si émue. Elle murmura :

— Il est mort.

— Ah ! Et… il ne t’a rien dit ?

— Rien. Il avait perdu connaissance quand je suis arrivée.

Georges songeait. Des questions lui venaient aux lèvres qu’il n’osait point faire.

— Couche-toi, dit-il.

Elle se déshabilla rapidement, puis se glissa auprès de lui.

Il reprit : — Avait-il des parents à son lit de mort ?

— Rien qu’un neveu.