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pas. Je veux seulement vous répéter que je vous aime.

Elle balbutiait : — Oh… après ce que vous m’avez promis… C’est mal… c’est mal.

Il parut faire un grand effort, puis il reprit, d’une voix contenue : — Tenez, vous voyez comme je me maîtrise. Et pourtant… Mais laissez-moi vous dire seulement ceci… Je vous aime… et vous le répéter tous les jours… oui, laissez-moi aller chez vous m’agenouiller cinq minutes à vos pieds pour prononcer ces trois mots, en regardant votre visage adoré.

Elle lui avait abandonné sa main, et elle répondit en haletant : — Non, je ne peux pas, je ne veux pas. Songez à ce qu’on dirait, à mes domestiques, à mes filles. Non, non, c’est impossible…

Il reprit : — Je ne peux plus vivre sans vous voir. Que ce soit chez vous ou ailleurs, il faut que je vous voie, ne fût-ce qu’une minute tous les jours, que je touche votre main, que je respire l’air soulevé par votre robe, que je contemple la ligne de votre corps, et vos beaux grands yeux qui m’affolent.

Elle écoutait, frémissante, cette banale musique d’amour et elle bégayait : — Non… non… c’est impossible. Taisez-vous !

Il lui parlait tout bas, dans l’oreille, comprenant qu’il fallait la prendre peu à peu, celle-là, cette femme simple, qu’il fallait la décider à lui donner des rendez-vous, où elle voudrait d’abord, où il voudrait ensuite :

— Écoutez… Il le faut… je vous verrai… je vous attendrai devant votre porte… comme un pauvre… Si vous ne descendez pas, je monterai chez vous… mais je vous verrai… je vous verrai… demain.

Elle répétait : — Non, non, ne venez pas. Je ne vous recevrai point. Songez à mes filles.