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Il murmura : « Bah ! » avec un air de mépris, pour l’exciter.

Elle s’irritait : — Tiens, tu es aussi naïf que Forestier.

Elle voulait le blesser et s’attendait à une colère. Mais il sourit et répondit : — Que ce cocu de Forestier ?

Elle demeura saisie, et murmura : — Oh ! Georges !

Il avait l’air insolent et railleur, et il reprit : — Eh bien, quoi ? Me l’as-tu pas avoué, l’autre soir, que Forestier était cocu ?

Et il ajouta : — Pauvre diable ! — sur un ton de pitié profonde.

Madeleine lui tourna le dos, dédaignant de répondre ; puis après une minute de silence, elle reprit : — Nous aurons du monde mardi : Mme Laroche-Mathieu viendra dîner avec la vicomtesse de Percemur. Veux-tu inviter Rival et Norbert de Varenne ? J’irai demain chez Mmes Walter et de Marelle. Peut-être aussi aurons-nous Mme Rissolin.

Depuis quelque temps, elle se faisait des relations, usant de l’influence politique de son mari, pour attirer chez elle, de gré ou de force, les femmes des sénateurs et des députés qui avaient besoin de l’appui de la Vie Française.

Du Roy répondit : — Très bien. Je me charge de Rival et de Norbert.

Il était content et il se frottait les mains, car il avait trouvé une bonne scie pour embêter sa femme et satisfaire l’obscure rancune, la confuse et mordante jalousie née en lui depuis leur promenade au Bois. Il ne parlerait plus de Forestier sans le qualifier de cocu. Il sentait bien que cela finirait par rendre Madeleine enragée. Et dix fois pendant la soirée il trouva moyen de prononcer