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Il passa, et elle le suivit dans leur chambre en lui chatouillant le cou du bout du doigt, entre le col et les cheveux, pour le faire aller plus vite, car il redoutait cette caresse.

L’article parut sous la signature de Georges Du Roy de Cantel, et fit grand bruit. On s’en émut à la Chambre. Le père Walter en félicita l’auteur et le chargea de la rédaction politique de la Vie Française. Les échos revinrent à Boisrenard.

Alors commença, dans le journal, une campagne habile et violente contre le ministère qui dirigeait les affaires. L’attaque, toujours adroite et nourrie de faits, tantôt ironique, tantôt sérieuse, parfois plaisante, parfois virulente, frappait avec une sûreté et une continuité dont tout le monde s’étonnait. Les autres feuilles citaient sans cesse la Vie Française, y coupaient des passages entiers, et les hommes du pouvoir s’informèrent si on ne pouvait pas bâillonner avec une préfecture cet ennemi inconnu et acharné.

Du Roy devenait célèbre dans les groupes politiques. Il sentait grandir son influence à la pression des poignées de main et à l’allure des coups de chapeau. Sa femme, d’ailleurs, l’emplissait de stupeur et d’admiration par l’ingéniosité de son esprit, l’habileté de ses informations et le nombre de ses connaissances.

À tout moment, il trouvait dans son salon, en rentrant chez lui, un sénateur, un député, un magistrat, un général, qui traitaient Madeleine en vieille amie, avec une familiarité sérieuse. Où avait-elle connu tous ces gens ? Dans le monde, disait-elle. Mais comment avait-elle su capter leur confiance et leur affection ? Il ne le comprenait pas.

— Ça ferait une rude diplomate, pensait-il.