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quand il s’était posé sur la fleur. Et ils restèrent longtemps silencieux.

Le domestique vint les prévenir que « Monsieur le curé avait fini ». Et ils remontèrent ensemble.

Forestier semblait avoir encore maigri depuis la veille.

Le prêtre lui tenait la main. — Au revoir, mon enfant, je reviendrai demain matin.

Et il s’en alla.

Dès qu’il fut sorti, le moribond, qui haletait, essaya de soulever ses deux mains vers sa femme et il bégaya :

— Sauve-moi… sauve-moi… ma chérie… je ne veux pas mourir… je ne veux pas mourir… Oh ! sauvez-moi… Dites ce qu’il faut faire, allez chercher le médecin… Je prendrai ce qu’on voudra… Je ne veux pas… Je ne veux pas…

Il pleurait. De grosses larmes coulaient de ses yeux sur ses joues décharnées ; et les coins maigres de sa bouche se plissaient comme ceux des petits enfants qui ont du chagrin.

Alors ses mains retombées sur le lit commencèrent un mouvement continu, lent et régulier, comme pour recueillir quelque chose sur les draps.

Sa femme qui se mettait à pleurer aussi balbutiait :

— Mais non, ce n’est rien. C’est une crise, demain tu iras mieux, tu t’es fatigué hier avec cette promenade.

L’haleine de Forestier était plus rapide que celle d’un chien qui vient de courir, si pressée qu’on ne la pouvait point compter, et si faible qu’on l’entendait à peine.

Il répétait toujours :

— Je ne veux pas mourir !… Oh ! mon Dieu… mon Dieu… mon Dieu… qu’est-ce qui va m’arriver ? Je ne verrai plus rien… plus rien… jamais… Oh ! mon Dieu !