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Duroy qui devait l’insérer dans les échos. Il s’étonna de voir qu’il avait échangé deux balles avec M. Louis Langremont, et, un peu inquiet, il interrogea Rival : — Mais nous n’avons tiré qu’une balle.

L’autre sourit : — Oui, une balle… une balle chacun… ça fait deux balles.

Et Duroy, trouvant l’explication satisfaisante, n’insista pas. Le père Walter l’embrassa :

— Bravo, bravo, vous avez défendu le drapeau de la Vie Française, bravo !

Georges se montra, le soir, dans les principaux grands journaux et dans les principaux grands cafés du boulevard. Il rencontra deux fois son adversaire qui se montrait également.

Ils ne se saluèrent pas. Si l’un des deux avait été blessé, ils se seraient serré les mains. Chacun jurait d’ailleurs avec conviction avoir entendu siffler la balle de l’autre.

Le lendemain, vers onze heures du matin, Duroy reçut un petit bleu : « Mon Dieu, que j’ai eu peur ! Viens donc tantôt rue de Constantinople, que je t’embrasse, mon amour. Comme tu es brave — je t’adore. — Clo. »

Il alla au rendez-vous et elle s’élança dans ses bras, le couvrant de baisers :

— Oh ! mon chéri, si tu savais mon émotion quand j’ai lu les journaux ce matin. Oh ! raconte-moi. Dis-moi tout. Je veux savoir.

Il dut raconter les détails avec minutie. Elle demandait :

— Comme tu as dû avoir une mauvaise nuit avant le duel !

— Mais non. J’ai bien dormi.

— Moi, je n’aurais pas fermé l’œil. Et sur le terrain, dis-moi comment ça s’est passé.