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Et sans cesse il se demandait : « Que vais-je faire ? que vais-je devenir ? »

Il se remit à marcher, répétant, d’une façon continue, machinale : « Il faut que je sois énergique, très énergique. »

Puis il se dit : « Je vais écrire à mes parents, en cas d’accident. »

Il s’assit de nouveau, prit un cahier de papier à lettres, traça : « Mon cher papa, ma chère maman… »

Puis il jugea ces termes trop familiers dans une circonstance aussi tragique. Il déchira la première feuille, et recommença : « Mon cher père, ma chère mère ; je vais me battre au point du jour, et comme il peut arriver que… »

Il n’osa pas écrire le reste et se releva d’une secousse.

Cette pensée l’écrasait maintenant. « Il allait se battre en duel. Il ne pouvait plus éviter cela. Que se passait-il donc en lui ? Il voulait se battre ; il avait cette intention et cette résolution fermement arrêtées ; et il lui semblait, malgré tout l’effort de sa volonté, qu’il ne pourrait même pas conserver la force nécessaire pour aller jusqu’au lieu de la rencontre. »

De temps en temps ses dents s’entrechoquaient dans sa bouche avec un petit bruit sec ; et il se demandait :

« Mon adversaire s’est-il déjà battu ? a-t-il fréquenté les tirs ? est-il connu ? est-il classé ? » Il n’avait jamais entendu prononcer ce nom. Et cependant si cet homme n’était pas un tireur au pistolet remarquable, il n’aurait point accepté ainsi, sans hésitation, sans discussion, cette arme dangereuse.

Alors Duroy se figurait leur rencontre, son attitude à lui et la tenue de son ennemi. Il se fatiguait la pensée à imaginer les moindres détails du combat ; et tout à coup