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le chef des échos de la Vie Française, le chef des échos à surprises de M. Walter, disait le rédacteur anonyme de cette feuille appelée : La Plume. C’étaient, chaque jour, des perfidies, des traits mordants, des insinuations de toute nature.

Jacques Rival dit un jour à Duroy : — Vous êtes patient.

L’autre balbutia : — Que voulez-vous, il n’y a pas d’attaque directe.

Or, un après-midi, comme il entrait dans la salle de rédaction, Boisrenard lui tendit le numéro de la Plume :

— Tenez, il y a encore une note désagréable pour vous.

— Ah ! à propos de quoi ?

— À propos de rien, de l’arrestation d’une dame Aubert par un agent des mœurs.

Georges prit le journal qu’on lui tendait, et lut, sous ce titre : Duroy s’amuse :

« L’illustre reporter de La Vie Française nous apprend aujourd’hui que la dame Aubert, dont nous avons annoncé l’arrestation par un agent de l’odieuse brigade des mœurs, n’existe que dans notre imagination. Or, la personne en question demeure 18, rue de l’Écureuil, à Montmartre. Nous comprenons trop, d’ailleurs, quel intérêt ou quels intérêts peuvent avoir les agents de la banque Walter à soutenir ceux du préfet de police qui tolère leur commerce. Quant au reporter dont il s’agit, il ferait mieux de nous donner quelqu’une de ces bonnes nouvelles à sensation dont il a le secret : nouvelles de morts démenties le lendemain, nouvelles de batailles qui n’ont pas eu lieu, annonce de paroles graves prononcées par des souverains qui n’ont rien dit, toutes les informations enfin qui constituent les « Profits Walter », ou même quelqu’une des petites indiscrétions sur des soirées