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— Une affaire très grave. J’ai une dette d’honneur.

— De jeu ?

Il hésita, puis avoua : — De jeu.

— Grosse ?

— Cinq cents francs !

Il n’en devait que deux cent quatre-vingts.

Forestier, sceptique, demanda :

— À qui dois-tu ça ?

Duroy ne put pas répondre tout de suite.

— … Mais à… à… à un monsieur de Carleville.

— Ah ! Et où demeure-t-il ?

— Rue… rue…

Forestier se mit à rire : « Rue du Cherche-Midi à quatorze heures, n’est-ce pas ? Je connais ce monsieur-là, mon cher. Si tu veux vingt francs, j’ai encore ça à ta disposition, mais pas davantage. »

Duroy accepta la pièce d’or.

Puis il alla, de porte en porte, chez toutes les personnes qu’il connaissait, et il finit par réunir, vers cinq heures, quatre-vingts francs.

Comme il lui en fallait trouver encore deux cents, il prit son parti résolument, et, gardant ce qu’il avait recueilli, il murmura : « Zut, je ne vais pas me faire de bile pour cette garce-là. Je la paierai quand je pourrai. »

Pendant quinze jours il vécut d’une vie économe, réglée et chaste, l’esprit plein de résolutions énergiques. Puis il fut pris d’un grand désir d’amour. Il lui semblait que plusieurs années s’étaient écoulées depuis qu’il n’avait tenu une femme dans ses bras, et, comme le matelot qui s’affole en revoyant la terre, toutes les jupes rencontrées le faisaient frissonner.

Alors il retourna, un soir, aux Folies-Bergère, avec