Trois cochers de fiacre dînaient dans le fond de la pièce étroite et longue, et un personnage, impossible à classer dans aucune profession, fumait sa pipe, les jambes allongées, les mains dans la ceinture de sa culotte, étendu sur sa chaise et la tête renversée en arrière par-dessus la barre. Sa jaquette semblait un musée de taches, et dans les poches gonflées comme des ventres on apercevait le goulot d’une bouteille, un morceau de pain, un paquet enveloppé dans un journal, et un bout de ficelle qui pendait. Il avait des cheveux épais, crépus, mêlés, gris de saleté ; et sa casquette était par terre, sous sa chaise.
L’entrée de Clotilde fit sensation par l’élégance de sa toilette. Les deux couples cessèrent de chuchoter, les trois cochers cessèrent de discuter, et le particulier qui fumait, ayant ôté sa pipe de sa bouche et craché devant lui, regarda en tournant un peu la tête.
Mme de Marelle murmura : — C’est très gentil ! Nous serons très bien ; une autre fois, je m’habillerai en ouvrière. — Et elle s’assit sans embarras et sans dégoût en face de la table de bois vernie par la graisse des nourritures, lavée par les boissons répandues et torchée d’un coup de serviette par le garçon. Duroy, un peu gêné, un peu honteux, cherchait une patère pour y pendre son haut chapeau. N’en trouvant point, il le déposa sur une chaise.
Ils mangèrent un ragoût de mouton, une tranche de gigot et une salade. Clotilde répétait : — Moi, j’adore ça. J’ai des goûts canailles. Je m’amuse mieux ici qu’au café Anglais. — Puis elle dit : — Si tu veux me faire tout à fait plaisir, tu me mèneras dans un bastringue. J’en connais un très drôle près d’ici qu’on appelle La Reine Blanche.
Duroy, surpris, demanda : — Qui est-ce qui t’a menée là ?