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pendant des nuits entières, en regardant les étoiles.

Saval l’avait captivée, capturée corps et âme. Elle songeait à lui, bercée par son image et par son souvenir, dans l’exaltation calme du bonheur accompli, du bonheur présent et certain.

Un bruit derrière elle la fit se retourner. Yvette venait d’entrer, encore vêtue comme dans le jour, mais pâle maintenant et les yeux luisants comme on les a après de grandes fatigues.

Elle s’appuya au bord de la fenêtre ouverte, en face de sa mère.

— J’ai à te parler, dit-elle.

La marquise, étonnée, la regardait. Elle l’aimait en mère égoïste, fière de sa beauté, comme on l’est d’une fortune, trop belle encore elle-même pour devenir jalouse, trop indifférente pour faire les projets qu’on lui prêtait, trop subtile cependant pour ne pas avoir la conscience de cette valeur.

Elle répondit :

— Je t’écoute, mon enfant, qu’y a-t-il ?

Yvette la pénétrait du regard comme pour lire au fond de son âme, comme pour saisir toutes les sensations qu’allaient éveiller ses paroles.

— Voilà. Il s’est passé tantôt quelque chose d’extraordinaire.