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— Eh bien ! faites comme si je vous aimais, et croyez-le si vous voulez…

— Mais, c’est que…

— Silence, Muscade, en voilà assez sur ce sujet.

Il fit le salut militaire et se tut.

Le soleil s’était enfoncé derrière l’île, mais tout le ciel demeurait flamboyant comme un brasier, et l’eau calme du fleuve semblait changée en sang. Les reflets de l’horizon rendaient rouges les maisons, les objets, les gens. Et la rose écarlate dans les cheveux de la marquise avait l’air d’une goutte de pourpre tombée des nuages sur sa tête.

Yvette regardant au loin, sa mère posa, comme par mégarde, sa main nue sur la main de Saval ; mais la jeune fille alors ayant fait un mouvement, la main de la marquise s’envola d’un geste rapide et vint rajuster quelque chose dans les replis de son corsage.

Servigny, qui les regardait, prononça :

— Si vous voulez, mam’zelle, nous irons faire un tour dans l’île après dîner ?

Elle fut joyeuse de cette idée :

— Oh ! oui ; ce sera charmant ; nous irons tout seuls, n’est-ce pas, Muscade ?