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naient autour de nous en aboyant, et nous montraient leurs crocs pâles.

Mohammed, qui semblait fou de joie, sauta de cheval d’un bond, et, saisissant la corde que j’avais apportée :

— Attention, les enfants, dit-il, deux hommes à terre.

Alors il fit une chose terrible et drôle : un chapelet de prisonniers, ou plutôt un chapelet de pendus. Il avait attaché solidement les deux poings du premier captif, puis il fit un nœud coulant autour de son cou avec la même corde qui serrait de nouveau les bras du suivant, puis s’enroulait ensuite à sa gorge. Nos cinquante prisonniers se trouvèrent bientôt liés de telle sorte que le moindre mouvement de l’un pour s’enfuir l’eût étranglé, ainsi que ses deux voisins. Tout geste qu’ils faisaient tirait sur le nœud coulant du col, et il leur fallait marcher d’un pas égal sans s’écarter d’un rien l’un de l’autre sous peine de tomber aussitôt comme un lièvre pris au collet.

Quand cette étrange besogne fut finie, Mohammed se mit à rire, de son rire silencieux qui lui secouait le ventre sans qu’aucun bruit sortît de sa bouche.