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À ce propos, tu sais que je vais te présenter sous le nom de comte Saval ; Saval tout court serait mal vu, très mal vu.

Son ami s’écria :

— Ah ! mais non, par exemple. Je ne veux pas qu’on me suppose, même un soir, même chez ces gens-là, le ridicule de vouloir m’affubler d’un titre. Ah ! mais non.

Servigny se mit à rire.

— Tu es stupide. Moi, là-dedans, on m’a baptisé le duc de Servigny. Je ne sais ni comment, ni pourquoi. Toujours est-il que je suis et que je demeure M. le duc de Servigny, sans me plaindre et sans protester. Ça ne me gêne pas. Sans cela, je serais affreusement méprisé.

Mais Saval ne se laissait point convaincre.

— Toi, tu es noble, ça peut aller. Pour moi, non, je resterai le seul roturier du salon. Tant pis, ou tant mieux. Ce sera mon signe de distinction… et… ma supériorité.

Servigny s’entêtait.

— Je t’assure que ce n’est pas possible, mais pas possible, entends-tu ? Cela paraitrait presque monstrueux. Tu ferais l’effet d’un chiffonnier dans une réunion d’empereurs. Laisse-moi faire, je te présenterai comme le vice-roi du Haut-Mississipi,