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— La ferme de Pierre Bénédict ? — cria-t-il.

Un des hommes répondit : « Prenez l’chemin de gauche, tout contre le p’tit café, et pi suivez tout drait, c’est la troisième après la celle à Poret. Y’a une sapinette près d’la barrière. Y’a pas à se tromper. »

Ils tournèrent à gauche. Elle allait tout doucement maintenant, les jambes défaillantes, le cœur battant avec tant de violence qu’elle suffoquait.

À chaque pas, elle murmurait, comme pour une prière : — « Mon Dieu ! oh ! mon Dieu ! » Et une émotion terrible lui serrait la gorge, la faisait vaciller sur ses pieds comme si on lui eût coupé les jarrets.

M. d’Apreval, nerveux, un peu pâle, lui dit brusquement : — « Si vous ne savez pas vous maîtriser davantage, vous allez vous trahir tout de suite. Tâchez donc de vous dominer. »

Elle balbutia : « Est-ce que je le puis ? Mon enfant ! Quand je songe que je vais voir mon enfant ! »

Ils suivirent un de ces petits chemins de campagne encaissés entre les cours des fermes, ensevelis sous un double rang de hêtres alignés sur les fossés.