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avait été élevé par des paysans normands, qu’il était devenu lui-même un paysan, et qu’il était marié, bien marié et bien doté par son père, dont il ignorait le nom.

Que de fois, depuis quarante ans, elle avait voulu partir pour le voir, pour l’embrasser. Elle ne se figurait pas qu’il eût grandi ! Elle songeait toujours à cette larve humaine qu’elle avait tenue un jour dans ses bras et serrée contre son flanc meurtri.

Que de fois elle avait dit à son amant : « Je n’y tiens plus, je veux le voir ; je vais partir. »

Toujours il l’avait retenue, arrêtée. Elle ne saurait pas se contenir, se maîtriser ; l’autre devinerait, l’exploiterait. Elle serait perdue.

— Comment est-il ? disait-elle.

— Je ne sais pas. Je ne l’ai point revu non plus.

— Est-ce possible ? avoir un fils et ne le point connaître. Avoir peur de lui, l’avoir rejeté comme une honte. — C’était horrible.


Ils allaient sur la longue route, accablés par la flamme du soleil, montant toujours l’interminable côte.

Elle reprit : « Ne dirait-on pas un châtiment ?