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prennent des hommes par vice. C’est elles qui sont des gueuses.

Elle était debout près de la couche d’Yvette éperdue, qui avait envie de crier « au secours », de se sauver, et qui pleurait tout haut comme les enfants qu’on bat.

La marquise se tut, regarda sa fille, et la voyant affolée de désespoir, elle se sentit elle-même pénétrée de douleur, de remords, d’attendrissement, de pitié, et s’abattant sur le lit en ouvrant les bras, elle se mit aussi à sangloter, et elle balbutia :

— Ma pauvre petite, ma pauvre petite, si tu savais comme tu me fais mal.

Et elles pleurèrent toutes deux, très longtemps.

Puis la marquise, chez qui le chagrin ne tenait pas, se releva doucement. Et elle dit tout bas :

— Allons, mignonne, c’est comme ça, que veux-tu ? On n’y peut rien changer maintenant. Il faut prendre la vie comme elle vient.

Yvette continuait de pleurer. Le coup avait été trop rude et trop inattendu pour qu’elle pût réfléchir et se remettre.

Sa mère reprit :

— Voyons, lève-toi, et viens déjeuner, pour qu’on ne s’aperçoive de rien.