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autrefois, et tu ferais des journées de trente sous, et tu laverais la vaisselle, et ta maîtresse t’enverrait à la boucherie, entends-tu, et elle te ficherait à la porte si tu flânais, tandis que tu flânes toute la journée parce que je suis une courtisane. Voilà. Quand on n’est rien qu’une bonne, une pauvre fille avec cinquante francs d’économies, il faut savoir se tirer d’affaire, si on ne veut pas crever dans la peau d’une meurt-de-faim ; et il n’y a pas deux moyens pour nous, il n’y en a pas deux, entends-tu, quand on est servante ! Nous ne pouvons pas faire fortune, nous, avec des places, ni avec des tripotages de bourse. Nous n’avons rien que notre corps, rien que notre corps.

Elle se frappait la poitrine, comme un pénitent qui se confesse, et, rouge, exaltée, avançant vers le lit :

— Tant pis, quand on est belle fille, faut vivre de ça, ou bien souffrir de misère toute sa vie… toute sa vie…, pas de choix.

Puis revenant brusquement à son idée :

— Avec ça qu’elles s’en privent, les honnêtes femmes. C’est elles qui sont des gueuses, entends-tu ? parce que rien ne les force. Elles ont de l’argent, de quoi vivre et s’amuser, et elles