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— C’est vrai, je n’y pensais point, tu as raison. Je ne sais pas où j’avais la tête.

Et Yvette, prenant un ouvrage de broderie qu’elle appelait le « salut public », et dont elle occupait ses mains cinq ou six fois l’an, aux jours de calme plat, s’assit sur une chaise basse auprès de sa mère, tandis que les deux jeunes gens, à cheval sur des pliants, fumaient des cigares.

Les heures passaient dans une causerie paresseuse et sans cesse mourante. La marquise, énervée, jetait à Saval des regards éperdus, cherchait un prétexte, un moyen d’éloigner sa fille. Elle comprit enfin qu’elle ne réussirait point, et ne sachant de quelle ruse user, elle dit à Servigny :

— Vous savez, mon cher duc, que je vous garde tous deux ce soir. Nous irons déjeuner demain au restaurant Fournaise, à Chatou.

Il comprit, sourit, et s’inclinant :

— Je suis à vos ordres, marquise.

Et la journée s’écoula lentement, péniblement, sous les menaces de l’orage.

L’heure du dîner vint peu à peu. Le ciel pesant s’emplissait de nuages lents et lourds. Aucun frisson d’air ne passait sur la peau.

Le repas du soir aussi fut silencieux. Une