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cru, contre sa mère. Toutes les suppositions, elle les fit en ces deux jours. Elle envisagea toutes les possibilités, se jetant dans les résolutions les plus extrêmes avec la brusquerie de sa nature changeante et sans mesure. Le mercredi, elle arrêta un plan, toute une règle de tenue et un système d’espionnage. Elle se leva le jeudi matin avec la résolution d’être plus rouée qu’un policier, et armée en guerre contre tout le monde.

Elle se résolut même à prendre pour devises ces deux mots : « Moi seule », et elle chercha pendant plus d’une heure de quelle manière il les fallait disposer pour qu’ils fissent bon effet, gravés autour de son chiffre, sur son papier à lettres.

Saval et Servigny arrivèrent à dix heures. La jeune fille tendit sa main avec réserve, sans embarras, et, d’un ton familier, bien que grave :

— Bonjour, Muscade, ça va bien ?

— Bonjour, mam’zelle, pas mal, et vous ?

Il la guettait.

— Quelle comédie va-t-elle me jouer ? se disait-il.

La marquise ayant pris le bras de Saval, il prit celui d’Yvette et ils se mirent à tourner autour du gazon, paraissant et disparaissant à tout moment derrière les massifs et les bouquets d’arbres.