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que deviendrait Yvette ; il serait toujours assez tôt d’y songer quand les difficultés arriveraient. Elle sentait bien, avec son flair de courtisane, que sa fille ne pourrait épouser un homme riche et du vrai monde que par un hasard tout à fait improbable, par une de ces surprises de l’amour qui placent des aventurières sur les trônes. Elle n’y comptait point, d’ailleurs, trop occupée d’elle-même pour combiner des projets qui ne la concernaient pas directement.

Yvette ferait comme sa mère, sans doute. Elle serait une femme d’amour. Pourquoi pas ? Mais jamais la marquise n’avait osé se demander quand, ni comment, cela arriverait.

Et voilà que sa fille, tout d’un coup, sans préparation, lui posait une de ces questions auxquelles on ne pouvait pas répondre, la forçait à prendre une attitude dans une affaire si difficile, si délicate, si dangereuse à tous égards et si troublante pour sa conscience, pour la conscience qu’on doit montrer quand il s’agit de son enfant et de ces choses.

Elle avait trop d’astuce naturelle, astuce sommeillante, mais jamais endormie, pour s’être trompée une minute sur les intentions de Servigny, car elle connaissait les hommes, par expé-