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YVETTE.

poétiques qu’elle avait lus. Elle se rappelait des péripéties émouvantes, des histoires sombres et attendrissantes qu’elle mêlait, dont elle faisait sa propre histoire, dont elle embellissait le mystère entrevu, enveloppant sa vie.

Elle ne se désolait déjà plus, elle rêvait, elle soulevait des voiles, elle se figurait des complications invraisemblables, mille choses singulières, terribles, séduisantes quand même par leur étrangeté.

Serait-elle, par hasard, la fille naturelle d’un prince ? Sa pauvre mère séduite et délaissée, faite marquise par un roi, par le roi Victor-Emmanuel peut-être, avait dû fuir devant la colère de sa famille ?

N’était-elle pas plutôt une enfant abandonnée par ses parents, par des parents très nobles et très illustres, fruit d’un amour coupable, recueillie par la marquise, qui l’avait adoptée et élevée ?

D’autres suppositions encore lui traversaient l’esprit. Elle les acceptait ou les rejetait au gré de sa fantaisie. Elle s’attendrissait sur elle-même, heureuse au fond et triste aussi, satisfaite surtout de devenir une sorte d’héroïne de livre qui aurait à se montrer, à se poser, à prendre une attitude noble et digne d’elle. Et