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YVETTE.

sait pas trop chaud cependant, il faisait tiède ; il faisait bon vivre. La fraîcheur bienfaisante des berges de la Seine montait vers le ciel serein.

Le soleil s’en allait derrière les arbres, vers d’autres contrées, et on aspirait, semblait-il, le bien-être de la terre endormie déjà, on aspirait dans la paix de l’espace la vie nonchalante du monde.

Quand on sortit du salon pour s’asseoir à table, chacun s’extasia. Une gaieté attendrie envahit les cœurs ; on sentait qu’on serait si bien à dîner là, dans cette campagne, avec cette grande rivière et cette fin de jour pour décors, en respirant cet air limpide et savoureux.

La marquise avait pris le bras de Saval, Yvette celui de Servigny.

Ils étaient seuls tous les quatre.

Les deux femmes semblaient tout autres qu’à Paris, Yvette surtout.

Elle ne parlait plus guère, paraissait alanguie, grave.

Saval, ne la reconnaissant plus, lui demanda :

— Qu’avez-vous donc, mademoiselle ? je vous trouve changée depuis l’autre semaine.