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YVETTE.

peu trop grasse, un peu mûre, mais très belle, d’une beauté lourde, chaude, puissante. Sous ce casque de cheveux, qui faisait rêver, qui faisait sourire, qui la rendait mystérieusement désirable, s’ouvraient des yeux énormes, noirs aussi. Le nez était un peu mince, la bouche grande, infiniment séduisante, faite pour parler et pour conquérir.

Son charme le plus vif était d’ailleurs dans sa voix. Elle sortait de cette bouche comme l’eau sort d’une source, si naturelle, si légère, si bien timbrée, si claire, qu’on éprouvait une jouissance physique à l’entendre. C’était une joie pour l’oreille d’écouter les paroles souples couler de là avec une grâce de ruisseau qui s’échappe, et c’était une joie pour le regard de voir s’ouvrir, pour leur donner passage, ces belles lèvres un peu trop rouges.

Elle tendit une main à Servigny, qui la baisa, et laissant tomber son éventail au bout d’une chaînette d’or travaillé, elle donna l’autre à Saval, en lui disant :

— Soyez le bienvenu, baron, tous les amis du duc sont chez eux ici.

Puis, elle fixa son regard brillant sur le colosse qu’on lui présentait. Elle avait sur la lèvre supérieure un petit duvet noir, un soup-