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2^6 LE GARDE.

rappelle cette date et je ne l'oublierai jamais.

Je partis de Rouen à cheval, suivi de mon chien Bock, un grand braque du Poitou, large de poitrine et fort de gueule, qui buissonnait dans les ronces comme un épagneul de Pont- Audemer.

Je portais en croupe mon sac de voyage, et mon fusil en bandouhère. C'était un jour froid, un jour de grand vent triste, avec des nuages sombres courant dans le ciel.

En montant la côte de Canteleu, je regar- dais la vaste vallée de la Seine que le fleuve traversait jusqu'à l'horizon avec des rephs de serpent. Rouen, à gauche, dressait dans le ciel tous ses clochers et, à droite, la vue s'ar- rêtait sur les côtes lointaines couvertes de bois. Puis je traversai la forêt de Roumare, allant tantôt au pas, tantôt au trot, et j'arrivai vers cinq heures devant le Pavillon, où le père Cavalier et Céleste m'attendaient.

Depuis dix ans, à la même époque, je me présentais de la même façon, et les mêmes bouches me saluaient avec les mêmes paroles.

— Bonjour, notre monsieur. La santé est- elle satisfaisante?

Cavalier n'avait guère changé. Il résistait au temps comme un vieil arbre; mais Céleste,