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PROMENADE. 207

saient, allongés dans les voitures, muets, serrés l'un contre l'autre, perdus dans l'hal- lucination, dans l'émotion du désir, dans le frémissement de l'étreinte prochaine. L'om- bre chaude semblait pleine de baisers qui voletaient, flottaient. Une sensation de ten- dresse alanguissait l'air, le faisait plus étouf- fant. Tous ces gens enlacés, tous ces gens grisés de la même attente, de la même pen- sée, faisaient courir une fièvre autour d'eux. Toutes ces voitures, pleines de caresses, je- taient sur leur passage comme une émanation subtile et troublante.

M. Leras, un peu las à la fin de marcher, s'assit sur un banc pour regarder défiler ces fiacres chargés d'amour. Et, presque aussitôt, une femme arriva près de lui et prit place à son côté.

— Bonjour, mon petit homme, dit-elle. II ne répondit point. Elle reprit :

— Laisse-toi aimer, mon chéri; tu verras que je suis bien gentille.

Il prononça :

— Vous vous trompez, madame. Elle passa un bras sous le sien :

— Allons, ne fais pas la bête, écoute...

Il s'était levé, et il s'éloigna, le cœur serré.