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PROMENADE. 20

l'idée de faire un petit tour avant dîner, ce qui lui arrivait quatre ou cinq fois par an.

II gagna les boulevards où coulait un flot de monde sous les arbres reverdis. C'était un soir de printemps, un de ces premiers soirs chauds et mous qui troublent les cœurs d'une ivresse de vie.

M. Leras allait de son pas sautillant de vieux; il allait avec une gaieté dans l'œil, heureux de la joie universelle et de la tiédeur de l'air.

II gagna les Champs-Elysées et continua de marcher, ranimé par les effluves de jeu- nesse qui passaient dans les brises.

Le ciel entier flambait ; et l'Arc de Triomphe découpait sa masse noire sur le fond éclatant de l'horizon, comme un géant debout dans un incendie. Quand il fut arrivé auprès du monstrueux monument, le vieux teneur de livres sentit qu'il avait faim, et il entra chez un marchand de vins pour dîner.

On lui servit devant la boutique, sur le trottoir, un pied de mouton poulette, une salade et des asperges; et M. Leras fit le meil- leur dîner qu'il eût fait depuis longtemps. Il arrosa son fromage de Brie d'une demi-bou- teille de bordeaux fin; puis il but une tasse