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202 PROMENADE.

l'emplissaient d'une odeur moisie et d'une puanteur d'égout.

M. Leras, depuis quarante ans, arrivait, chaque matin, à huit heures, dans cette prison; et il y demeurait jusqu'à sept heures du soir, courbé sur ses hvres, écrivant avec une appHcation de bon employé.

H gagnait maintenant trois mille francs par an, ayant débuté à quinze cents francs. Il était demeuré céhbataire, ses moyens ne lui permettant pas de prendre femme. Et n'ayant jamais joui de rien, il ne désirait pas grand'- chose. De temps en temps, cependant, las de sa besogne monotone et continue, il for- mulait un vœu platonique : «Cristi, si j'avais cinq mille livres de rentes, je me la coulerais douce. »

Il ne se l'était jamais coulée douce, d'ail- leurs, n'ayant jamais eu que ses appointe- ments mensuels.

Sa vie s'était passée sans événements, sans émotions et presque sans espérances. La faculté des rêves, que chacun porte en soi, ne s'était jamais développée dans la médio- crité de ses ambitions.

II était entré à vingt et un ans chez MM. La- buze et C. Et il n'en était plus sorti.