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YVETTE.

dangereux comme leurs cartes, trompeurs comme leurs noms, braves parce qu’il le faut, à la façon des assassins qui ne peuvent dépouiller les gens qu’à la condition d’exposer leur vie. C’est l’aristocratie du bagne, enfin.

Je les adore. Ils sont intéressants à pénétrer, intéressants à connaître, amusants à entendre, souvent spirituels, jamais banals comme des fonctionnaires français. Leurs femmes sont toujours jolies, avec une petite saveur de coquinerie étrangère, avec le mystère de leur existence passée, passée peut-être à moitié dans une maison de correction. Elles ont en général des yeux superbes et des cheveux incomparables, le vrai physique de l’emploi, une grâce qui grise, une séduction qui pousse aux folies, un charme malsain, irrésistible ! Ce sont des conquérantes à la façon des routiers d’autrefois, des rapaces, de vraies femelles d’oiseaux de proie. Je les adore aussi.

La marquise Obardi est le type de ces drôlesses élégantes. Mûre et toujours belle, charmeuse et féline, on la sent vicieuse jusque dans les moelles. On s’amuse beaucoup chez elle, on y joue, on y danse, on y soupe… on y fait enfin tout ce qui constitue les plaisirs de la vie mondaine.