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L'ABANDONNE. I 7 I

fond d'un jardin dont elle n'osait pas sortir!

Comme elle se les rappelait, les longs jours qu'elle passait étendue sous un oranger, les yeux levés vers les fruits rouges, tout ronds, dans le feuillage vert! Comme elle aurait voulu sortir, aller jusqu'à la mer, dont le souffle frais lui venait par-dessus le mur, dont elle entendait les courtes vagues sur la plage, dont elle rêvait la grande surface bleue, luisante de soleil, avec des voiles blanches et une montagne à l'horizon! Mais elle n'osait point franchir la porte. Si on l'avait reconnue, déformée ainsi, montrant sa honte dans sa lourde ceinture!

Et les jours d'attente, les derniers jours tor- turants ! les alertes ! les souffrances menaçantes ! puis l'effroyable nuit! Que de misères elle avait endurées.

Quelle nuit, celle-là! Comme elle avait gémi, crié! Elle voyait encore la face pâle de son amant, qui lui baisait la main à chaque minute, la figure glabre du médecin, le bon- net blanc de la garde.

Et quelle secousse elle avait sentie en son cœur en entendant ce frêle gémissement d'en- fant, ce miaulement, ce premier effort d'une voix d'homme!

Et le lendemain! le lendemain! le seul jour