Page:Maupassant - Yvette, OC, Conard, 1910.djvu/182

Cette page n’a pas encore été corrigée

I70 L'ABANDONNE.

val, marié comme elle, l'aima d'une passion profonde; et pendant une longue absence de M. de Cadour, parti aux Indes en mission poli- tique, elle succomba.

Aurait-elle pu résister? se refuser? Aurait- elle eu la force, le courage de ne pas céder, car elle l'aimait aussi? Non, vraiment, non! C'eût été trop dur! elle aurait trop souffert! Comme la vie est méchante et rusée ! Peut-on éviter certaines atteintes du sort, peut-on fuir la destinée fatale? Quand on est femme, seule, abandonnée, sans tendresse, sans enfants, peut-on fuir toujours une passion qui se lève sur vous, comme on fuirait la lumière du soleil, pour vivre, jusqu'à sa mort, dans la nuit?

Comme elle se rappelait tous les détails maintenant, ses baisers, ses sourires, son arrêt sur la porte pour la regarder en entrant chez elle. Quels jours heureux, ses seuls beaux jours, si vite finis!

Puis elle s'aperçut qu'elle était enceinte! quelles angoisses!

Oh! ce voyage, dans le Midi, ce long voyage, ces souffrances, ces terreurs inces- santes, cette vie cachée dans ce petit chalet solitaire, sur le bord de la Méditerranée, au