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YVETTE.

comment avait fait une jeune femme pour s’asphyxier par ce procédé.

Et elle éprouva aussitôt une sorte de joie de sa résolution, un orgueil intime, une sensation de fierté. On verrait ce qu’elle était, ce qu’elle valait.

Elle rentra dans Bougival, et elle se rendit chez le pharmacien, à qui elle demanda un peu de chloroforme pour une dent dont elle souffrait. L’homme, qui la connaissait, lui donna une toute petite bouteille de narcotique.

Alors, elle partit à pied pour Croissy, où elle se procura une seconde fiole de poison. Elle en obtint une troisième à Chatou, une quatrième à Rueil, et elle rentra en retard pour déjeuner. Comme elle avait grand’faim après cette course, elle mangea beaucoup, avec ce plaisir des gens que l’exercice a creusés.

Sa mère, heureuse de la voir affamée ainsi, se sentant tranquille enfin, lui dit, comme elles se levaient de table :

— Tous nos amis viendront passer la journée de dimanche. J’ai invité le prince, le chevalier et M. de Belvigne.

Yvette pâlit un peu, mais ne répondit rien.