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VIEUX POTS[1]




Le baron Davillier, qui vient de mourir, a été, pour ainsi dire, le Christophe Colomb des faïences hispano-mauresques ; non qu’il en ait découvert l’existence, mais il en a, je crois, découvert et révélé la beauté.

Après avoir fouillé l’Espagne et trouvé de précieux échantillons de cette fabrication jusque-là peu appréciée, il communiqua son enthousiasme au monde extasié des amateurs artistes.

On appelle amateurs artistes des gens au sens délicat qui se pâment devant des morceaux de terre cuite souvent fort laids, uniquement parce que leur laideur est rare, des gens qui savent apprécier d’un coup d’œil la valeur extrême et conventionnelle d’un pot cassé et qui préféreront une antiquaille grotesque aux plus beaux objets modernes. Car l’antiquité sévit d’une façon odieuse et révoltante. Tout bourgeois ayant gagné dix mille francs de rentes dans l’industrie encombre sa salle à manger de ces affreuses assiettes normandes, peinturlurées ignoblement qu’on vend maintenant au prix de la

  1. La fin de cette chronique, ici supprimée, reproduit l’avant-dernière et la dernière partie du texte Les Cadeaux, publié, dans Le Gaulois, le 6 mars 1881.