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histoire du vieux temps.


Elle tint l’étrier quand je me mis en selle ;
En galant chevalier je me penchai vers elle,
Et déposai gaiement un baiser sur son front.
Elle se redressa comme sous un affront ;
Un fauve éclair jaillit de sa fière prunelle,
Et rougissant de honte : « Ah !  : Monsieur », me dit-elle.
Certes, elle n’était point ce que j’avais pensé ;
Elle avait trop grand air, et j’avais offensé
Gauchement, lourdement, la noble jeune fille
L’enfant de quelque ancienne et fidèle famille
Que de vieux serviteurs cachaient au milieu d’eux,
Quand le père, avec nous, luttait contre les Bleus.
Ah ! je fis tout d’abord contenance assez sotte ;
Mais j’étais, en ce temps, quelque peu Don Quichotte,
Et tous les vieux romans tournaient le cerveau.
Aussi, de mon cheval, descendant aussitôt
Je fléchis humblement un genou devant elle,
Et je lui dis : « Pardon, pardon, mademoiselle ;
Ce baiser, croyez-moi, car je ne mens jamais,
N’est point d’un libertin ou d’un étourdi, mais,
Si vous le voulez bien, sera de fiançailles.
Je reviendrai, si le permettent les batailles,
Chercher gage d’amour que je vous ai laissé. »
« Soit ! dit-elle en-riant. — Adieu ! mon fiancé. »
Elle me releva ; puis de sa main mignonne
M’envoyant un baiser : « Allez, on vous pardonne,
« Dit-elle, et revenez bientôt, bel inconnu ! »
Et je partis.

la marquise, tristement,

Et je partis.Et vous, n’êtes pas revenu ?